Par Gérard Théry La première fois que je rencontrai Jean-Claude, je fus surpris par son calme et par sa gravité. Je le revois grand, massif, du genre armoire à glace. À toute question, il se donnait le temps de la réponse. Elle venait d’une voix modulée dans les basses, un rien chantonnant. Il s’accordait deux secondes de réflexion. La réponse venait, documentée, aucune inexactitude, un souci de précision. Parfois, un frémissement d’humour, bien dosé, quasi britannique. Fraîchement débarqué à la Direction Générale des Télécommunications avec Pierre Marzin, je me souviens que je le chargeais d’une mission sur le fonctionnement des lignes à grande distance, gérées par la Direction des Télécom du Réseau National. Le rapport qu’il me remit dans les délais impartis, était en tout point conforme à l’image de son auteur : documenté, dégageant les idées essentielles, soulignant les disfonctionnements, esquissant des solutions, accompagné d’une synthèse. Jean-Claude y démontrait un esprit clair, un sens pratique, les qualités d’un ingénieur hors pair. De son passage au ministère de l’Industrie, je ne veux retenir que les circonstances de son départ. Il était chargé d’une importante entreprise informatique française, dorlotée par la puissance publique. Le sujet était politique et l’on trichait avec les faits. Jean-Claude n’acceptait pas l’erreur ni les présentations mensongères. Il se comporta comme le petit garçon du conte d’Andersen, le seul à dire que le roi était nu. Il se voulait rigoureux dans le moindre de ses actes. De quelques dîners chez lui, boulevard Lannes où il habitait, je garde le souvenir d’une hospitalité amicale : Françoise et Jean-Claude rivalisaient d’humour et de vie. On ne s’ennuyait jamais en leur compagnie. Je ne l’ai plus suivi dans son détachement en Argentine. Je sais par oui dire, qu’il se révéla un manager sans reproche. Je le rencontrai voici deux ans à l’École des Mines où nous assistions à des conférences débats sur l’Énergie. Les conclusions de nos débats faisaient ressortir l’irrationalité de notre politique énergétique. Il fallait bien dire là aussi que le roi était nu. De telles réunions, auxquelles Jean-Claude était assidu, comblaient son sens de la rigueur ainsi que la rectitude de son jugement. Pouvais-je soupçonner, qu’il disparaîtrait aussi rapidement d’une maladie qui emporta également Françoise ? De tous les ingénieurs que j’ai connus, il a été l’un des plus remarquables. Jean-Claude laissera dans nos esprits et dans nos coeurs une trace indélébile.
Gérard Théry Ancien Directeur Général des télécommunications
Par Philippe de Castelbajac J’ai connu Jean-Claude à la DATAR dans les années 1960, mais c’est le bridge qui nous a rapprochés. Disputant un tournoi, je me suis retrouvé à jouer contre lui et nous avons peu à peu pris l’habitude de jouer ensemble pendant des années. Nos rapports en tant que joueurs de bridge ont été longtemps houleux. Il n’appréciait pas ma manière de jouer, s’il se contenait pendant les parties il se répandait en reproches sur le chemin du retour. J’ai été d’autant plus surpris, lorsqu’il a été nommé à Chaumont puis à Lille, qu’il ait gardé l’habitude de venir à Paris une fois par semaine pour jouer avec moi. Un jour cependant ce qui devait arriver est arrivé. Nous nous sommes disputés un peu trop fort, avons cessé de nous voir. Peu après, il portait travailler en Argentine. Nous nous sommes retrouvés par hasard à son retour et avons recommencé à jouer. Ses accès de mauvaise humeur avaient complètement disparu et il ne cessait au contraire de me féliciter lorsque j’avais fait une bonne partie. D’une manière générale, il était devenu souriant et détendu. Nous fréquentions un club situé à près d’une heure de nos domiciles (nous habitions dans le même quartier) et, chaque fois que le temps et nos occupations le permettaient, nous rentrions ensemble à pied, en parlant de choses et d’autres. Comme moi, il regrettait que la grande ambition à laquelle la création de la DATAR était lié – la décentralisation – ait été abandonnée alors qu’elle était sur le chemin de la réussite et qu’aucune autre ne lui soit substituée. La vie nous à une nouvelle fois séparée lorsque je me suis installé dans le Sud-Ouest mais lors de mes brefs séjours à Paris, nous nous retrouvions avec le même plaisir. C’est un véritable ami que je perds.
Ph.de C.